Probablement en partie pour empêcher rapidement les mastodontes d’internet (Apple, Google, Amazon) d’échapper au paiement de la TVA, l’Union Européenne exige au 1er janvier 2015 que tous les produits vendus dans l’Union soient affectés pas la TVA du pays de résidence de l’acheteur (plutôt que du vendeur comme c’est le cas jusque-là). C’était déjà le cas pour les biens matériels sous certaines conditions, mais la règle s’applique maintenant aux biens dématérialisés. Ceci contraindra donc le gang des 4 à cesser de manipuler leur comptabilité pour payer la TVA au taux le plus avantageux en Europe.
Ça se complique
Cette règle de bon sens entraîne néanmoins des lourdeurs importantes dans la mesure où chaque société ou personne qui vend en Europe (dans un pays autre que le sien) doit s’enregistrer sur un système de mini-guichet unique (mini one-stop shop, ou MOSS) et répertorier les ventes à destination de chacun des pays de l’Union.
Or, il est fréquent de ne pas connaître le pays de résidence des acheteurs, dont les intermédiaires de paiement protègent l’identité (et c’est tant mieux), en particulier avant que la vente ne soit conclue, ce qui empêche d’adapter dynamiquement le taux de TVA parmi les 75 taux possibles dans les pays de l’Union.
Le cas non prévu
Un cas qui ne semble pas avoir été pris en compte par la réglementation est celui des individus ou micro-entreprises en franchise de TVA. En France, le régime micro-social permet pour simplifier la comptabilité de vendre en franchise de TVA (mais en contrepartie il ne permet pas de déduire la TVA payée sur les fournitures), et la plupart des pays ont un système similaire.
Dans le système tel qu’il semble devoir être mis en place, lorsque je vendrai une carte IGN à un allemand le prix de vente sera amputé de la TVA sur l’ensemble de la transaction; or j’aurai encore à régler la TVA sur la licence que je reverse à l’IGN. La TVA sur la license sera donc payée deux fois, et je devrai augmenter mes tarifs de plus de 20% en conséquence.
Les micro-entrepreneurs britanniques se sont fortement mobilisés, sans avoir pour l’instant obtenu gain de cause, sous le hashtag #VATMOSS (ou #VATMESS).
Quand Google empire une situation compliquée
Mais ce n’est pas le plus grave: Google a pris la décision (et malgré ma contestation ne change pas d’avis) d’appliquer cette règle, y compris pour les transactions entre un vendeur et un client établis dans le même pays! Or s’il y a bien une chose que cette réglementation ne change pas, c’est la franchise de TVA nationale.
La plupart des vendeurs du Play Store sont probablement satisfaits que Google prenne à sa charge le calcul et la déclaration de la TVA, car ils se placent dans un cas où le produit de leur vente est de la pure marge (pas de revente de license). Et dans ce cadre, la perte de la franchise de license est un détail.
Mais puisque je suis dans la minorité des vendeurs pour qui la franchise est cruciale (majorité des ventes dans le pays + licences IGN), je vais donc devoir augmenter mes tarifs pour les clients Français également, qui forment la majorité de mes revenus, et n’auraient logiquement pas dû être affectés.
Et ce qui est encore plus vexant, c’est que l’augmentation des tarifs aura pour conséquence mécanique d’augmenter les revenus des 30% de Google!
L’alternative: éviter le Play Store
Les cartes payantes dans MyTrails sont déjà disponibles sur mon site web, à un tarif moindre que par les achats In-App puisque Google (maintenant Paypal) y ponctionne moins que 30%.
MyTrails encouragera donc fortement les acheteurs potentiels à passer par le site web pour les abonnements aux cartes, qui pour les Français en tout cas, ne seront toujours pas soumis à la TVA (pas de changement prévu donc).
Et Amazon?
Je vends aussi les abonnements sur Amazon. En théorie du moins, les ventes étant plutôt anecdotiques…
Amazon a toujours pratiqué un flou artistique en la matière: ils se réservent le droit de fixer le prix eux-mêmes et ne fournissent pas de détails sur leurs marges ou sur la collecte de la TVA. Mais clairement, s’ils ont un système assez bien fait pour gérer la déclaration ou l’exemption des taxes aux US, sur le sujet des taxes en Europe ils sont muets. On peut donc imaginer le pire.
Je retirerai donc les abonnements de la boutique Amazon (la license Pro restera disponible).
Les français moins mobilisés que les anglais?
Il semble que l’essentiel de la contestation contre cette législation, qui pourtant concerne tous les vendeurs de biens dématérialisés en Europe, soit concentrée au Royaume-Uni.
Une explication possible est que la franchise anglaise est plus généreuse que dans les autres pays, donc plus de vendeurs sont concernés. Il y a également l’exception culturelle anglaise pour tout ce qui touche à l’Euro et l’Europe…
Il se peut aussi que le fisc anglais ait été plus maladroit ou plus tardif dans sa communication.
Quels choix pour le MOSS?
Il reste que pour les anglais et probablement les vendeurs des autres pays, un choix non explicité est posé:
- adhérer au MOSS, ce qui implique de perdre le statut de franchise de TVA nationale (ce qui est actuellement démenti par le parlementaire anglais responsable)
- adhérer à chacun des dispositifs de TVA des autres pays de l’Union
- cesser de vendre en-dehors de leur pays (sacré résultat pour le marché unique!)
- … ou espérer rester sous le radar jusqu’à ce que les franchises nationales soient purement et simplement éliminées, ou que la réglementation européenne les prenne en compte
Mise à jour: réponse de l’administration fiscale Française
Il semble que les micro-entreprises restent en franchise de TVA même pour les ventes vers les autres pays d’Europe!
Question :
Bonjour, en tant qu’auto-entrepreneur, je vends en franchise de TVA (et je ne peux pas déduire la TVA sur mes achats). Dans le cadre de la nouvelle règlementation Européenne, dois-je malgré tout collecter la TVA sur mes ventes dans les autres pays d’Europe? Le cas échéant, l’adhésion au VAT MOSS entrainera-t-il la perte de mon status de franchise de TVA pour les ventes en France? Entrainera-t-il la possibilité de décompter la TVA payée à mes fournisseurs?
Réponse :
Les auto-entrepreneurs sont soumis au régime de la franchise en base (article
293 B du CGI). Ainsi, vous ne mentionnez pas de TVA sur les factures que vous
adressez à vos clients. Parallèlement, pour les achats que vous faites auprès
de vos fournisseurs, vous payez le montant TTC mais sans pouvoir déduire la TVA
indiquée sur la facture du fournisseur.
Vous êtes un assujetti non-redevable de la TVA.
Par conséquent, pour vos opérations franco-françaises, vous n avez aucun besoin
d un numéro de TVA intracommunautaire.
Pour les ventes effectuées vers un autre pays d’Europe, vous devez faire
figurer votre numéro de TVA Intracommunautaire, obtenu auprès de votre SIE.
Vous restez sous le régime de la franchise de TVA.